Dépendance : le flou règne autour de la loi Autonomie prévue cet automne

loi grand age et autonomie

La loi « Grand Âge et Autonomie » est censée être un « marqueur social du quinquennat » dixit l’actuel gouvernement. Après une concertation nationale de six mois, le rapport Libault préconise de nombreuses mesures pour financer la dépendance en France, véritable défi lancé au pays. Mais peu de choses filtrent sur cette loi autonomie pourtant prévue cet automne. De quoi susciter des interrogations.

Les conséquences du boom des super seniors

Pourquoi la question de la dépendance se pose-t-elle irrémédiablement en France ? Tout est question de démographie. La génération du baby-boom (850 000 naissances annuelles entre 1946 et 1950), qui a basculé à la retraite massivement à partir de 2006, va entraîner un boom de la dépendance dès 2021. Et si les tendances se confirment, le nombre de personnes âgées de plus de 75 ans atteindra 13,7 millions en 2070, le double d’aujourd’hui.

D’autres projections indiquent que les centenaires seront 141 000, en 2050, selon l’Institut national d’études démographiques (Ined) contre 15 000 actuellement. L’Insee porte ce chiffre à 270 000, en 2070. Et le corollaire de la gestion de la perte d’autonomie s’impose désormais comme l’un des plus grands défis à relever pour la France.

Le seuil de 75 ans est celui où le poids de la vieillesse commence à se faire sentir avec une augmentation sensible de la fréquence d’apparition des problèmes moteurs et/ou cognitifs (maladie d’Alzheimer par exemple). Une étude de la Direction statistique du ministère des solidarités (DREES) chiffre à 1,58 million le nombre de Français en perte d’autonomie liée à l’âge en 2030 (2,24 millions en 2050).

Conséquence : une pression terrible va s’exercer sur le système public de santé. Comment accueillir toutes ces personnes dépendantes sans engorger les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ? Comment maintenir à domicile des personnes en perte d’autonomie dans de bonnes conditions ? Comment ne pas créer un système à deux vitesses, entre une version publique à bas coût et une version privée payante ?

Une loi Autonomie nourrie par la grande concertation nationale

Devant l’urgence de la situation, le gouvernement s’est emparé du sujet en lançant une grande concertation nationale, préambule à la loi Grand Age et Autonomie prévue pour l’automne 2019. Un vivier de 175 propositions se trouve dans le rapport Libault, résultat des nombreux échanges entre professionnels, élus et experts.

Huit priorités sont mises en avant, notamment un plan de revalorisation des métiers d’accompagnement et de soins. L’objectif : l’augmentation de 25 % du taux d’encadrement des résidents en Ehpad d’ici 2024, soit la création de 80 000 postes de soignants, de paramédicaux et d’animateurs supplémentaires.

La mission Libault préconise la baisse mensuelle de 300 euros pour les résidents modestes (1000 à 1600 euros de revenus mensuels) hébergés en Ehpad. Un mécanisme dégressif est même envisagé jusqu’à 50 euros pour les personnes dépendantes qui présentent des revenus supérieurs à 3200 euros.

Le rapport veut instaurer un tarif horaire plancher de 21 euros pour les services d’aide à domicile, additionné à la dotation forfaitaire d’amélioration de la coordination et de la formation. Les auteurs expriment aussi l’idée d’une nouvelle prestation autonomie à domicile se substituant à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Son but : rendre plus facile le recours aux aides techniques et aux solutions d’accueil temporaire suite au droit au répit.

La question du financement de la dépendance est évidemment centrale. Le rapport Libault invite l’état à débloquer une enveloppe annuelle supplémentaire de 9,2 milliards d’euros, en cumul des 24 milliards d’euros d’argent public déjà investis dans la perte d’autonomie.

Le congé rémunéré pour les aidants familiaux acté

Sans attendre la loi Grand Âge et Autonomie, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020 crée une allocation journalière destinée aux salariés qui cessent de travailler par obligation afin de prendre soin d’une personne âgée en perte d’autonomie. Qui est éligible à ce congé rémunéré ? Les salariés avec un an d’ancienneté dans leur entreprise, les travailleurs indépendants et les fonctionnaires.

La personne dépendante doit être déclarée en groupe iso-ressources 1 à 3 (GIR 1, GIR 2, GIR 3) ou être handicapée avec un taux d’incapacité égal ou supérieur à 80 %. En revanche, aucun lien familial n’est exigé mais l’aidant doit prouver qu’il intervient régulièrement pour accompagner la personne dépendante.

La rémunération journalière est de 52 euros pour une personne seule et de 43 euros pour une personne vivant en couple. Le versement des indemnités (prises en compte dans le calcul de la retraite) est piloté par la Caisse d’allocation familiale (la MSA pour les agriculteurs). La durée de ce congé payé est limitée à trois mois sur toute la carrière professionnelle des aidants familiaux (mais au-delà en cas d’accord d’entreprise).

Cette mesure sera effective à partir d’octobre 2020, le PLFSS prévoyant une enveloppe de 55 millions d’euros. Près de 270 000 aidants familiaux pourraient le demander l’an prochain, sachant qu’il existe déjà la possibilité de prendre un congé de ce type mais non rémunéré. En France, on dénombre entre 8 à 11 millions d’aidants dont la moitié évolue sous le statut de salarié.

Budget 2020 de la Sécurité sociale : 500 millions d’euros pour la dépendance

La loi Grand Âge et Autonomie semble toutefois suspendue au manque de financement, ce qui alerte les syndicats et les associations. Le gouvernement concède tout de même un effort pour renforcer la présence des soignants dans les Ehpad en amont de la loi (260 millions d’euros en 2020, et 180 millions d’euros en 2019).

En outre, l’état dégage 100 millions d’euros pour la rénovation des établissements trop vétustes et 50 millions d’euros pour accroître l’offre d’accompagnement des services à domicile dans les départements à la peine. Enfin, une piste de réflexion est menée pour baliser des circuits d’admission directe dans les services de gériatrie afin de désengorger les urgences en milieu hospitalier.

Alors que l’état joue la carte de l’opacité pour une loi qui doit se dévoiler fin 2019, la Mutualité Française (FNMF) et la Fédération Française de l’Assurance (FFA) réactivent la piste d’une assurance dépendance généralisée. Soutenue par le Sénat, cette alternative s’oppose clairement au plaidoyer du rapport Libault en faveur d’une réforme de la solidarité sociale.

Dans cette logique assurantielle, les contrats de complémentaire santé comprendraient une garantie obligatoire, versant à l’assuré dépendant (GIR 1 ou GIR 2) une rente viagère. Les Sénateurs évaluaient cette rente mensuelle à 500 euros, moyennant une cotisation de 12 euros par mois. Du côté de la Mutualité Française, la prime s’élèverait à 10 euros pour un souscripteur cotisant à partir de 40 ans.

Cette rente viagère dépendance serait utilisée par la personne âgée pour payer le reste à charge des dépenses en matière d’hébergement en ponctionnant moins sur son patrimoine. Une personne âgée promise à vivre de plus en plus longtemps.

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