Vers une reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle ?

burn out maladie professionnelle

En mai 2019, certains se sont félicités de la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Erreur. L’épuisement professionnel n’est toujours pas classé dans la liste des pathologies mais simplement comme syndrome d’un stress chronique au travail n’ayant pas été géré avec succès. Pourtant, cette reconnaissance aurait des conséquences juridiques et financières pour les personnes concernées. Quels sont les éléments de blocage ? Explications.

Comment est définie une maladie professionnelle ?

L’OMS a la charge d’établir une Classification internationale des maladies. Pour que la maladie soit considérée comme d’origine professionnelle, chaque pays membre de cette antenne de l’Organisation des Nations unies (ONU) doit faire un lien de corrélation entre ladite maladie et l’environnement professionnel. C’est typiquement le cas entre l’exposition prolongée au plomb des travailleurs et le développement du saturnisme.

Cette reconnaissance n’est pas anodine en France, tant d’un point de vue financier que juridique. Les droits diffèrent en effet pour une personne touchée par une maladie professionnelle et une personne touchée par une maladie ordinaire. Pour la première, le travailleur bénéficie d’indemnités journalières de la Sécurité sociale bien plus élevées. Le versement n’est pas non plus limité dans le temps, alors que le plafond est de trois ans dans le cadre d’une maladie ordinaire.

Outre la gratuité des soins, le travailleur reconnu atteint d’une maladie professionnelle est également protégé contre le licenciement pendant toute la période de son arrêt maladie. Ce n’est pas le cas pour la maladie ordinaire qui ne permet pas d’échapper, potentiellement, à un licenciement pour inaptitude. Enfin, en cas de séquelles, l’employé peut percevoir des dommages et intérêts, et même une rente d’incapacité permanente (rente IPP), qui s’additionne à ses autres revenus (salaires, pension de retraite).

L’enjeu de la reconnaissance du burn-out en tant que maladie professionnelle est donc multiple. Alors qu’est-ce qui bloque ? En France, les troubles psychologiques ne sont tout simplement pas inscrits dans les tableaux des maladies. Deux raisons :

  • la multiplicité des symptômes que revêt le burn-out : fatigue, troubles cardiaques, diabète, etc. 
  • l’impossibilité à définir des circonstances précises relatives à cette souffrance, l’épuisement professionnel pouvant aussi bien concerner un jeune chargé de clientèle en CDD dans le secteur du commerce qu’un médecin libéral en activité depuis plusieurs décennies

Or, la reconnaissance en tant que maladie professionnelle réclame de la précision, en particulier sur le délai de prise en charge et sur l’affection en cause.

Épuisement professionnel : des manifestations plurielles

D’un point de vue symptomatique, le burn-out est la résultante de toute une série de facteurs de stress se répercutant à la fois sur le plan émotionnel (épuisement psychologique), physique (état de fatigue) et cognitif (perte de motivation, difficultés de concentration). Le burn-out est donc l’aboutissement de ce processus néfaste, une réaction de détresse face à un environnement professionnel devenu hostile.

Et les conséquences sont multiples et variées selon l’individu, affectant aussi bien :

  • le système cardio-vasculaire par augmentation des risques coronariens 
  • l’appareil musculo-squelettique avec l’apparition et le renforcement de douleurs chroniques 
  • la fonction du sommeil marquée par des insomnies et des crises d’angoisse nocturnes 
  • les relations avec les autres qui se dégradent à cause d’une plus grande irritabilité, d’une indifférence voire d’un détachement 
  • la sphère affective avec une baisse de l’estime de soi ou encore une humeur dépressive

Les personnes sujettes au burn-out sont plus enclines à réagir par l’automédication. Leur objectif : maintenir artificiellement un rendement au travail malgré la situation d’épuisement. Or, pour les spécialistes, ces pratiques alimentent l’épuisement professionnel, quand elles n’en sont pas directement l’une des causes. Parmi ces conduites, les médecins et les psychologues relèvent la prise :

  • de psychostimulants tels que la caféine, la cocaïne, les amphétamines et les antidépresseurs 
  • d’alcool 
  • d’anxiolytiques

Bon à savoir : il ne faut confondre le burn-out (épuisement professionnel, surmenage) avec le bore-out (ennui au travail par absence de stimulation) ou encore le brown-out (remise en question d’une activité dénuée de sens).

Burn-out : quel est le processus qui aboutit à l’épuisement professionnel ?

La prise de conscience de l’existence du burn-out remonte à plusieurs décennies. Ce sont les travaux menés par la psychologue américaine Christina Maslach, dans les années 1980, qui ont dessiné une grille de lecture. Elle est intitulée « Maslach Burnout Inventory » et évalue l’atteinte psychologique des individus en analysant l’impact du stress chronique au travail en trois paliers.

Le premier niveau se traduit par une baisse de la vitalité physique de l’individu qui puise sans cesse dans son capital énergie pour mener à bien ses tâches. Ses réserves n’étant pas extensibles, il se vide littéralement : il est « au bout du rouleau ». Conscient qu’il ne parvient plus à recharger ses batteries, le travailleur ne supporte plus la seule pensée de devoir affronter une nouvelle journée de travail.

Le deuxième niveau provoque une dépersonnalisation, associée à un fort détachement de l’individu et un comportement négatif dans un contexte professionnel de relations interpersonnelles. Par réflexe de protection et pour ne pas gaspiller son énergie dans des échanges qu’il considère inutiles par rapport à son état de détresse, il érige alors des barrières émotionnelles. L’une des expressions de ce mal-être est l’apparition d’une perte d’idéalisme et une propension accrue au cynisme.

Le dernier niveau se caractérise par un regard négatif que le travailleur jette sur ses propres accomplissements professionnels et personnels. Cette dévalorisation crée un cercle vicieux de démotivation et d’un manque de confiance en soi. Ces symptômes, voisins de l’état dépressif, le rendent incapable de faire face à ses obligations au travail. On retrouve alors la manifestation des symptômes physiologiques, comportementaux, cognitifs et affectifs, préalablement décrits.

Un chiffre : +23 %

C’est la part croissante des arrêts de longue durée (plus de 90 jours) chez les 40 ans et moins en 2018 (+10 % toute catégorie d’âge confondue), selon les chiffres du 11e Baromètre de l’Absentéisme et de l’Engagement Ayming®. Outre l’état de santé, les raisons avancées par les jeunes travailleurs sont la maladie professionnelle, les conditions de travail difficiles et l’épuisement professionnel.

 

Quels facteurs de risques psychosociaux (RPS) sont en lien avec le burn-out ?

Les chercheurs tentent de comprendre les facteurs de risques psychosociaux pour pouvoir mettre en place des plans de prévention de la santé au travail efficaces. L’environnement professionnel est particulièrement visé pour expliquer les dysfonctionnements.

  • L’intensité du travail

L’intensité du travail se définit à travers la quantité et la complexité de travail à fournir, le niveau élevé des objectifs à atteindre et la gravité des erreurs, ainsi que le degré d’urgence dans lequel le travailleur évolue. Elle pose problème lorsqu’elle engendre un déséquilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle.

Rappel : la loi Travail de 2016 impose aux entreprises de plus de 50 salariés d’accorder un droit à la déconnexion en dehors du temps de travail à ses collaborateurs.

  • Les exigences émotionnelles

Sont concernés les métiers en contact avec un public en souffrance ou en difficulté, qui oblige les travailleurs à dissimuler leurs émotions voire à se rendre à son travail « la peur au ventre ».

  • L’autonomie au travail

Les employés soumis à trop de contraintes, à cause de nombreuses procédures à respecter, pâtissent d’un manque de marge de manœuvre et de créativité, pouvant aboutir à un ennui, surtout si le manque de formation et de perspectives se fait sentir.

  • Les relations humaines

Sont concernés les métiers exposés à l’incivilité, à la violence, à l’agressivité, au manque de respect, une situation conjuguée au peu de reconnaissance et à un faible soutien hiérarchique. Ce risque touche aussi les travailleurs œuvrant dans un environnement de concurrence exacerbée, ou subissant du harcèlement physique ou moral, du dénigrement et de la discrimination.

  • Les conflits de valeur

Les conflits de valeur touchent les salariés confrontés aux problèmes d’éthique, placardisés, qui ont le sentiment d’être inutiles ou l’impression d’être empêchés dans la réalisation d’un travail de meilleure qualité.

  • L’insécurité du travail

La simple pensée de pouvoir être au chômage, dans un climat social difficile, amène du stress, tout comme le sentiment que son métier va disparaître à terme avec les évolutions techniques, technologiques ou réglementaires. Cette insécurité socio-économique inclut aussi les nombreuses modifications stratégiques, managériales ou organisationnelles au sein des entreprises qui sont déstabilisantes.

Attention, les raisons d’un burn-out ne se cantonnent pas à la sphère professionnelle et peuvent très bien être alimentées par des facteurs personnels. Selon certaines études, le poids des facteurs personnels dans l’épuisement professionnel fluctuerait entre 30 % et 40 %, le reste étant dû à l’environnement du travail.

En attendant la mise en place de critères objectifs à l’aide de bilans neuropsychologiques, burn-out et maladie professionnelle en 2019 ne sont pas encore des synonymes. Toutefois, un travailleur dispose d’une solution transitoire : solliciter une reconnaissance complémentaire d’une maladie professionnelle « hors liste ». Le médecin traitant relève une incapacité permanente partielle de 25 %, soit l’équivalent d’une dépression sévère, ce qui déclenche, indirectement, la prise en charge du burn-out comme maladie professionnelle par la CPAM (Caisse primaire d’assurance maladie).

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